Dela contre-utopie, Vous autres, civilisations, savez maintenant que vous êtes mortelles, Eric Essono Tsimi, Didier Alexandre, Classiques Garnier. Des milliers de livres avec la livraison chez vous en 1 jour ou en magasin avec -5% de réduction .
Curieux insatiables, nos contemporains s'interrogent sans fin sur les civilisations. Un ministre de l'Intérieur a pu ainsi observer Contrairement à ce que dit l'idéologie relativiste de gauche, pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas …. Celles qui défendent l'humanité nous paraissent plus avancées que celles qui la nient. Celles qui défendent la liberté, l'égalité et la fraternité, nous paraissent supérieures à celles qui acceptent la tyrannie, la minorité des femmes, la haine sociale ou ethnique » Claude Guéant, 4 février 2012. Le propos a fait polémique en raison du flou qui entoure le mot civilisations » au pluriel. Demandons-nous ce que recouvre ce mot que le ministre français a employé en lieu et place du mot sociétés ». On peut légitimement préférer la société allemande du temps de Bach à la société allemande du temps de Hitler même si l’une et l’autre relèvent de la culture allemande, elle-même partie intégrante de la civilisation européenne. Allons-nous pour autant vers une civilisation planétaire construite autour de valeurs universelles ? Rien n’est moins sûr… André Larané, avec la contribution d'Isabelle Grégor Pas de civilisation » avant le XVIIIe siècle ! Bien que d’apparence commune, le mot civilisation » n’a que trois siècles d’existence. Il est issu du latin civis, c'est-à -dire citoyen, et de civitas, qui désigne la cité, autrement dit l’ensemble des citoyens. Il apparaît d’abord dans le vocabulaire juridique pour désigner le fait de rendre civile une matière criminelle ! C'est au siècle des Lumières qu'il commence à se montrer dans un sens moderne. On le repère en 1758 dans L’Ami des Hommes, un essai politique de Victor Riqueti de Mirabeau, le père du tribun révolutionnaire C'est la religion le premier ressort de la civilisation », c'est-à -dire qui rend les hommes plus aptes à vivre ensemble. On le retrouve en 1770 dans L’Histoire des Deux Indes, un ouvrage majeur du siècle des Lumières, attribué à l’abbé de Raynal et plus probablement à Diderot La civilisation d'un empire est un ouvrage long et difficile ». Dans cet ouvrage, le mot civilisation » est employé comme synonyme de rendre policé » de polis, cité en grec. Il exprime le processus qui permet aux hommes de s’élever au-dessus de l’état de nature, en corrélation avec le développement des villes. À ce propos, il n’est pas anodin d’observer que les adjectifs apparentés civilisé », policé » et urbain » au sens d’urbanité viennent de mots latins ou grecs qui désignent tous la ville ou la cité civitas, polis, urbs. En 1795, à la fin de la Révolution, le mot civilisation a les honneurs du dictionnaire de l'Académie française avec la définition suivante Action de civiliser, ou état de ce qui est civilisé ». L'édition de 1872 est plus précise État de ce qui est civilisé, c'est-à -dire ensemble des opinions et des mœurs qui résulte de l'action réciproque des arts industriels, de la religion, des beaux-arts et des sciences ». Elle ne porte pas de jugement de valeur ni n’établit de comparaison entre différentes formes de civilisations. Le barbare n'est pas celui qu'on croit Les jugements de valeur ont longtemps été étrangers à la pensée occidentale. Quand les anciens Grecs inventent le mot barbare, il s’agit simplement d'une onomatopée par laquelle ils désignent les gens qui ne parlent pas leur langue. Le sens du mot évolue à la fin de l’Antiquité quand, choqués par la violence des invasions germaniques, les Romains commencent à opposer sauvagerie et civilisation humanitas. Le mot barbare prend alors une consonance péjorative en désignant l'ensemble des peuples hostiles qui vivent aux confins de l'empire. Mais les Romains et leurs héritiers, chrétiens à l’ouest, majoritairement musulmans à l’est, demeurent étrangers aux jugements de valeur et plus encore aux catégories raciales. Au Moyen Âge, pour les disciples du Christ comme pour ceux de Mahomet, tous les hommes ont vocation à rejoindre leur foi. À ce propos, retenons l’observation ironique de l'historien britannique Arnold Toynbee, publiée en 1972 Au lieu de diviser l’humanité comme nous le faisons, en hommes de race blanche et en hommes de couleur, nos ancêtres les divisaient en chrétiens et en païens. Nous ne pouvons manquer d’avouer que leur dichotomie valait mieux que la nôtre tant sur le plan de l’esprit que de la morale» L’Histoire, Elsevier, 1972, traduction 1978. Curieux de tout, les Européens du Moyen Âge, une fois qu’ils eurent fait le tour de leur monde imaginaire bestiaire, gargouilles…, s’échappèrent de l’étroite fin de terre » dans laquelle ils sont piégés. Ils empruntèrent la seule voie qui leur fut ouverte, la voie océanique, et c'est ainsi qu' Ils regardaient monter en un ciel ignoré/Du fond de l’Océan des étoiles nouvelles » José Maria de Heredia. Brutales rencontres La rencontre avec les peuples du Nouveau Monde est brutale, d’autant plus meurtrière que s’immisce le fléau des épidémies. Elle révèle aussi aux Européens l’infinie diversité de la condition humaine Mais quoi, ils ne portent point de hauts-de-chausses ! » Cette réflexion amusée conclut le passage des Essais rédigé par Montaigne après sa rencontre avec trois Indiens du Brésil, à Rouen, en 1562. Montaigne ne s’en tient pas là . Décrivant les mœurs cruelles des cannibales » dico, il ajoute Je trouve, pour revenir à mon propos, qu’il n’y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu’on m’en a rapporté sinon que chacun appelle barbarie, ce qui n’est pas de son usage ». Et précise Je pense qu’il y a plus de barbarie à manger un homme vivant qu’à le manger mort, à déchirer par tourments et par géhennes, un corps encore plein de sentiment, à le faire rôtir par le menu ». La critique vise ses contemporains qui se déchirent dans les guerres de religion. Montaigne les amène à réfléchir sur leur conduite par une mise en parallèle avec une autre conduite, le cannibalisme, que son éloignement permet d’observer avec détachement. Cette démarche sera reprise un siècle plus tard par Montesquieu dans les Lettres persanes. Ses deux héros, Usbek et Rica, par leur questionnement sur la société française, amènent les lecteurs à remettre en question leurs certitudes. Pour ces penseurs éclairés, il s’agit non pas de condamner ou réprouver mais simplement de faire progresser des pratiques figées dans l’habitude et la routine. En prévenant les Occidentaux contre le péché d’arrogance et le sentiment qu’ils n’ont rien à apprendre de quiconque, l’ouverture aux sociétés étrangères devient un moteur de l’innovation. Elle s’avère efficace si l’on en juge par la liste des emprunts étrangers dans les sociétés de la Renaissance et du siècle des Lumières, depuis le tabac, originaire du Brésil, jusqu’au recrutement des hauts fonctionnaires par concours, selon la pratique chinoise du mandarinat. Publié ou mis à jour le 2021-08-23 053815
Commele second sens du mot culture, cette définition, qui en est proche, se veut neutre et objective : elle ne hiérarchise pas les civilisations; elle les considère, quelles qu'elles soient, comme des productions historiques également valables du génie humain. La civilisation aztèque. La civilisation égyptienne. Les civilisations
1La journée d’étude à l’origine de cette publication était consacrée à une critique de la civilisation gréco-romaine, comme modèle, implicite ou non, de toute civilisation. Ce qui impliquait en même temps de réexaminer cette notion de civilisation, utilisée aussi bien par les enseignants et chercheurs en sciences humaines et sociales – le fameux intitulé langue et civilisation » des cursus – que par les médias d’opinion, dont le fameux Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles » de Paul Valéry, dans la Crise de l’esprit 1919, fut le prélude élégant à The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order de Samuel P. Huntington paru en 1996. 2Il n’échappe à personne qu’aujourd’hui employer le mot de civilisation dans l’espace médiatique est devenu problématique. On se souvient de Claude Guéant, alors ministre de l’Intérieur du gouvernement Fillon, le dimanche 5 février 2012 déclarant que toutes les civilisations ne se valent pas », lors d’un énième débat médiatique sur le port du voile. Le Figaro avait alors demandé à quelques anthropologues pourquoi ce terme était controversé au point qu’ils évitaient soigneusement de l’utiliser depuis 50 ans et préféraient parler de cultures. François Flahault répondit que ce terme [de culture] était le plus approprié » pour désigner tout ce que les générations humaines se transmettent les unes aux autres de manière non biologique ». Pour Marc Crépon, le terme de civilisation était difficilement dissociable des idéologies les plus meurtrières du xxe siècle qui avaient une idée très précise de la hiérarchie des civilisations et de leur différence de valeur. » Alfred Grosser répliquait à Claude Guéant que son jugement de valeur qui laissait supposer des hiérarchies entre civilisations sous-entendait que la civilisation islamique est inférieure à la civilisation française. Claude Guéant s’attaquait implicitement aux musulmans de France, mais la défense de Grosser est désastreuse il est impossible de comparer la civilisation française, nationale, à une civilisation islamique, religieuse, en supposant que l’une et l’autre expressions recouvrent la moindre réalité. Maurice Godelier distinguait, à son tour, culture et civilisation de la façon suivante Contrairement à la culture », la civilisation » ne peut être pensée seule, car elle comporte toujours implicitement un jugement de valeur en opposition à un autre, plus barbare ; par exemple, dans civilisation » il y a civis, c’est-à -dire citoyen. Il y a l’idée grecque et romaine que les civilisés sont ceux qui vivent dans les cités ou les États, par opposition aux barbares qui sont nomades ou paysans. 3Nous voici arrivés au cœur de notre sujet. Civilisation, mot récent en français il date du xviiie s., serait à expliquer par son étymologie latine et donc par l’idéologie gréco-romaine qui opposait la civilisation des cives urbains à la barbarie des nomades. On ne reprochera pas à Maurice Godelier harcelé par un journaliste, ses approximations historiques ; on peut, au contraire, lui savoir gré d’avoir rappelé la place que la civilisation gréco-romaine tient dans l’idéologie contemporaine. La notion de civilisation nous viendrait de l’Antiquité. Donc, pour certains, la civilisation gréco-romaine serait au début et à l’origine de l’humanité civilisée, et pour d’autres, c’est d’elle que viendrait le narcissisme méprisant de la civilisation européenne. Les débuts de l’anthropologie moderne au xixe s. sont marqués par de tels jugements de valeur. Dans Ancient Society 1877, Lewis Morgan affirme que l’humanité évolue en passant par trois stades successifs la sauvagerie, la barbarie et la civilisation. Les plus civilisés étaient, selon lui, les Américains. Les Européens l’étaient moins car ils conservaient encore des vestiges féodaux. 4Ces commentaires autour de l’affaire Guéant » montrent que la notion de civilisation est aussi floue qu’explosive. Notion qui de loin semble évidente, la civilisation s’éparpille en sens divers quand on utilise le mot. Seul repère solide, la référence à l’Antiquité. Miracle grec ou péché originel, la civilisation gréco-romaine surgit dès qu’il est question de civilisation. 5Peut-on trouver à la notion de civilisation un statut épistémologique ? N’est-elle pas définitivement écrasée sous ses origines gréco-romaines ? La notion anthropologique de culture, prééminente depuis quelques décennies, ne serait-elle pas d’un meilleur usage ? 1 F. A. Wolf, Darstellung der Althertumswissenschaft nach Begriff, Umfang, Zweck und Werth, Museum d ... 2 J. Assmann, Religion und Kulturelles Gedächtnis. Zehn Studien, Munich, 2000 ; trad. anglaise Sta ... 3 C. Calame, Qu’est-ce que la Mythologie grecque ?, Paris, 2015. 4 Édition originale S. Freud, Das Unbehagen in der Kultur, Vienne, 1930. 6L’étude liminaire de Claude Calame, Civilisation et Kultur de Friedrich August Wolf à Sigmund Freud », propose des réponses à ces questions. Chez Wolf, historien de la littérature antique initiateur de ce qui deviendra la Klassische Philologie, les Grecs se distinguent comme un peuple disposant d’une culture de l’esprit »1. Cette Kultur permet de différencier les Grecs, les Romains et leurs successeurs allemands des autres civilisations ». La culture gréco-latine lui permet donc de classer les civilisations. De telles conceptions se retrouvent dans ce que Calame appelle de nouveaux avatars du “Grand partage” », chez un historien des religions contemporain comme J. Assman par exemple, qui produit une opposition entre civilisation religieuse de l’écrit et autres cultures religieuses orales2. Or, Calame montre que la religion des Grecs ne se laisse pas comprendre dans ce partage3. Des notions de Kultur/ civilisation » plus critiques pourraient guider la réflexion des anthropologues de l’antiquité, dans le sillage de celle que Freud a développée dans son Malaise dans la civilisation, œuvre sur laquelle revient Claude Calame4. On peut sans doute interroger la formation de l’individu dans la civilisation, c’est-à -dire à travers des réseaux de sociabilité et de normes. Cela revient en fait à penser des civilisations en leur donnant, au cas par cas, un statut épistémologique dans l’analyse des processus de fabrication de l’individu dans une collectivité. La civilisation, dont on prétend trouver la source dans l’antiquité, fausse donc profondément la compréhension qu’on peut avoir de ces mêmes mondes anciens. La notion, si l’on tient à la conserver, ne pourrait être utile que défaite, vidée de son sens évolutionniste, et resémantisée dans une perspective anthropologique. 5 Voir l’étymologie de civilisation » sur le site du CNRTL Centre National de Ressources Textuell ... 7Il fallait donc reprendre la question au début et faire l’archéologie de la notion. Rappeler d’abord que la notion et le terme sont modernes, comme le développe et le précise Jan Blanc au début de son article. Ce mot apparaît pour la première fois sous la plume du Marquis de Mirabeau, le père, en 17565. Il remplace civilité. Émile Benveniste écrit 6 Émile Benveniste, Problèmes de linguistique générale, I, Paris, 1966, p. 336-345. Pour Mirabeau, la civilisation est un procès que l’on dénommait jusqu’alors police », un acte tendant à rendre l’homme et la société plus policés », l’effort pour amener l’individu à observer spontanément les règles de la bienséance et pour transformer dans le sens d’une plus grande urbanité les mœurs de la société6. 8L’Encyclopédie offre un bon exemple de ce lien primordial de la notion de civilisation à l’antiquité. Il n’y a encore que très peu d’occurrences du mot civilisation dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Deux usages, au sens moderne, viennent à l’occasion d’une réflexion sur les Vies de Plutarque, art. Vies » et Zones tempérées » rédigés par Louis de Jaucourt. L’auteur égrène les héros civilisateurs de la Grèce ancienne, Socrate, Solon, Lycurgue, etc. Il [Plutarque] me fait converser délicieusement dans ma retraite gaie, saine et solitaire, avec ces morts illustres, ces sages de l’antiquité révérés comme des dieux, bienfaisans comme eux, héros donnés à l’humanité pour le bonheur des arts, des armes et de la civilisation. 9Benveniste prend acte que l’on passe d’une notion d’état, la police des mœurs, à une notion d’action la civilisation va avec l’idée de progrès moral, technique ou autre. Il n’est pas étonnant que cette mutation ait eu lieu au xviiie s. et que la notion de civilisation s’installe largement au xixe et début du xxe siècle, en même temps que la colonisation qui apportait aux sauvages » les bienfaits de la civilisation ». Les Grecs et les Romains n’ont rien à voir avec ce mot qui ne correspond ni à philanthropia, ni à humanitas, ni à cultus, et pas plus à civilis. 10C’est pourquoi dans un premier temps nous avons demandé à plusieurs chercheurs de faire l’archéologie de la civilisation gréco-romaine », telle que nous la connaissons aujourd’hui dans les ouvrages savants comme dans les jeux vidéo. 11Blaise Dufal propose une enquête sur les usages historiographiques de la notion dans un article intitulé Le fantasme de la perfection originelle. La Grèce antique comme matrice du modèle civilisationnel. » Dans les manuels d’histoire et ouvrages de vulgarisation et chez des classiques de l’historiographie française du xxe s., on voit que la civilisation », faute de définition rigoureuse, n’est pas un concept scientifique. Elle produit une vision idéologique de la culture et de l’histoire, fondée sur un fantasme de la Grèce antique, idéalisée depuis le xviiie s. Les Grecs de l’Antiquité, dont la modernité européenne se veut l’héritière, seraient ainsi l’origine géniale et les exemples parfaits de la science, des arts et de la politique. 12Jan Blanc déplace la question sur le terrain de l’histoire de l’art à la période moderne. Il interroge le problème de la civilisation grecque » chez Winckelman. Johann Joachim Winckelmann 1717-1768 est à l’origine du miracle grec », cette vision de la civilisation grecque comme un âge d’or politique, moral et artistique. Il parle certes d’Antiquité grecque et non de civilisation, le mot n’existe pas encore au sens moderne, mais les deux livres, qu’il a consacrés à l’Antiquité grecque, l’étudient comme un monde dont il s’agit de rendre compte des grands principes à travers l’étude de ses œuvres d’art. C’est ainsi qu’il décrit la Grèce en faisant de sa supériorité artistique un a priori. Winckelmann commence à écrire sur l’art antique sans avoir vu la moindre statue. Ses écrits sont et resteront des constructions imaginaires, déduites de cet a priori. La Grèce est pour lui un mythe. La Grèce est, pour Winckelmann, la seule civilisation qui, dans l’histoire, soit parvenue à s’arracher à la barbarie de la simple nature sans être touchée par la corruption des mœurs, processus inhérent à la culture. Mais ce miracle fut éphémère et a disparu à jamais. Après la perfection de l’art classique au ve s., la Grèce a été entraînée dans une décadence irréversible. L’histoire de Winckelmann est donc téléologique, parce qu’elle pose a priori la grandeur suprême de l’art grec. Mais elle est également eschatologique, dans la mesure où le grand style » est irrémédiablement perdu. La civilisation grecque » n’est pas, pour lui, une période » de l’histoire mais, plutôt, une utopie servant aux Modernes à se raconter, en construisant, dans le temps et le passé, l’origine d’une grandeur perdue dont ils ne peuvent nullement être considérés comme les enfants ou les héritiers, mais qu’ils doivent apprendre à regretter. La civilisation grecque telle qu’elle est inventée par Winckelmann tient donc des deux acceptions modernes de cette notion. Celle d’un progrès, mais qui n’est observable que dans les restes et les ruines du passé et celle d’une décadence inéluctable. 13La culture ludique contemporaine permet aussi de voir le lien étroit de l’antiquité à la notion de civilisation. Dans Alexandre et Octavien contre Bismarck et Gengis Khan. Les usages problématiques de l’Antiquité gréco-romaine dans l’univers ludique de Civilization », Emmanuelle Valette s’intéresse au jeu vidéo à succès Civilization, réédité et amélioré plusieurs fois depuis 1991 jusqu’à son ultime version de 2016. La durée de son succès international en fait un bon témoin de certaines idées populaires contemporaines sur la notion de civilisation. Le joueur peut choisir de développer une civilisation, dont les critères de définition sont d’ailleurs problématiques, parmi plusieurs, sans hiérarchie a priori entre elles. Au centre du jeu, il y a l’habileté du joueur et sa capacité à faire évoluer sa civilisation. La victoire viendra de l’inventivité technique qu’il aura su insuffler à celle qu’il aura prise en main. Le cours du jeu suit un évolutionnisme et un ethnocentrisme décomplexés » puisqu’une civilisation avance vers la domination mondiale à coup d’inventions technologiques successives, en construisant aussi de fortes et grandes cités. Si toutes les civilisations sont ainsi calquées sur un modèle occidental, les mondes anciens ont toutefois un lien encore plus étroit à La civilisation. Les civilisations antiques apparaissent comme originelles » et sont permanentes dans l’offre du jeu, comme incontournables, alors que d’autres Iroquois, Zoulous… sont des options qui disparaissent ou reparaissent au fil des versions. La Grèce et Rome disposent aussi d’un certain nombre de traits spécifiques et d’atouts technologiques discrets qui en font des civilisations d’élection pour les habitués. Par ailleurs la culture antique irrigue l’ensemble du processus d’évolution inventive les atouts culturels les merveilles » du monde par exemple et les innovations que peut développer telle ou telle civilisation choisie par le gamer » sont souvent pensés en référence aux langues ou cultures grecques et romaines. L’antiquité proposée n’est donc pas un monde ludique comme un autre ou un simple facteur d’exotisme elle est essentielle à l’imaginaire de la civilisation elle-même. 14La civilisation gréco-romaine aurait le privilège d’être la civilisation par excellence parce quelle aurait civilisé l’humanité, en ayant inventé des formes culturelles devenues le patrimoine de l’humanité, parce qu’elle aurait anticipé sur la modernité. Ces inventions » jusqu’à celle de la notion même d’ invention », sont en fait des inventions de notre modernité, comme le montrent les cinq analyses suivantes. 15Certains termes grecs présents dans les langues modernes sont des catalyseurs d’imaginaire ; tel est le cas de l’enthousiasme », comme le montre Michel Briand, dans son article L’invention de l’enthousiasme poétique ». L’enthousiasme poétique est une invention moderne, créant une illusion rétrospective. Les modernes, qui opposent improvisation inspirée et technique d’écriture, attribuent aux poètes grecs archaïques et classiques un rapport privilégié avec le divin, l’inspiration ; ils auraient chanté, possédés par une fureur mystique le dieu était en eux ». Or pour les Grecs les aèdes étaient à la fois aimés des Muses et artisans de vers. Une archéologie des mots enthéos, enthousiasmos, s’imposait. L’enquête philologique montre que le sens d’enthéos n’est pas celui qu’une tradition étymologique lui donne, par une interprétation possessive – locative de l’adjectif enthéos. L’adjectif enthéos peut être l’équivalent emphatique de theios, et signifier très divin ». L’inspiration poétique sous l’effet de l’intériorisation d’un souffle transcendant, par laquelle le poète-prophète a un dieu en lui », vient relu par l’antiquité tardive et certains modernes directement de Platon, qui a comme souvent joué avec les mots et rapproché mantis la divination de mania la folie et inventé une figure du poéte-prophète inspiré. Cette inspiration prophétique réinterprétée par les néo-platoniciens se retrouve chez certains mystiques chrétiens ou au contraire chez certains critiques du paganisme. La reconstruction moderne de l’inspiration grecque oppose écriture et oralité comme une alternative radicale, projetant sur l’histoire de la poésie grecque le grand partage constitutif de la modernité depuis l’âge romantique. 16La notion de personne charrie avec elle tout un imaginaire occidental philosophique, juridique et religieux du progrès de la conscience. Florence Dupont en critique la prétendue invention par les Romains. Cette idée souvent reprise a notamment été soutenue par M. Mauss dans Une catégorie de l’esprit humain la notion de personne ». Or, le raisonnement de Mauss n’est pas une démonstration scientifique et repose sur une pensée a priori de la place dominante de Rome dans la civilisation occidentale. Sous l’apparence d’une enquête portant sur des faits sociaux, juridiques, et religieux, c’est en fait principalement l’hypothèse d’une évolution sémantique du mot persona qui sous-tend l’exposé de Mauss le masque rituel » archaïque des ancêtres deviendrait la personne juridique » du droit romain, définitivement inventée à la période classique. Le savant superpose en fait, dans un coup de force sémantique », les sens d’imago et de persona il n’y a aucune raison probante de penser que la persona était un masque rituel d’ancêtre au même titre que l’imago. Quant à la notion juridique de persona, elle ne renvoie pas non plus à un ensemble de droits liés à la personne », mais plutôt à un rôle temporaire pris dans un procès. La personne » ne se trouve donc pas déjà dans la persona, et la dynamique historique d’une invention romaine de la personne voulue par Mauss disparaît du même coup. D’autres stratégies pour sauver l’invention de la personne se laissent voir l’essentialisation de la notion avant toute enquête philologique préalable ou encore l’utilisation de catégories modernes préconstruites. Elles ne laissent pas de surprendre chez un savant de cette ampleur. Quelles sont les causes possibles de ce discours fictionnel sur l’ invention » antique, dans le contexte de travail qui a été celui de l’ethnologue ? En posant cette question Florence Dupont ouvre la voie à une critique pragmatique du recours à la notion d’invention chez les antiquisants. 17L’histoire de la médecine n’est pas avare non plus d’ inventions », et les Grecs, avec leur légendaire figure d’Hippocrate, ont une large part dans ce grand récit, comme cherche à le montrer Vivien Longhi dans un article intitulé Hippocrate a-t-il inventé la médecine d’observation ? ». Les traités de la médecine hippocratique », par exemple Épidémies I-III et Pronostic, présentent des relevés de signes pathologiques apparemment scrupuleux, où le corps malade serait doté de sens par un médecin expert du pronostic. Au xviiie s., médecins et professeurs y voient les fondements de leur médecine d’observation, fille de la clinique, alors qu’il s’agit de textes largement spéculatifs. Une approche pragmatique du regard médical ancien dégagerait pourtant la médecine grecque même, travestie par la notion moderne d’observation. 18Dans le domaine de l’histoire littéraire s’érigent et pèsent encore sur les Grecs d’autres inventions ». Marie Saint-Martin, dans son article intitulé L’invention de la tragédie selon Pierre Brumoy de quelques pièges du relativisme » s’intéresse aux réflexions modernes de P. Brumoy sur la tragédie 1730. La recherche des inventeurs » du théâtre classique conduit l’auteur à un certain nombre d’apories ou de thèses paradoxales. Eschyle et Homère sont aussi bien l’un que l’autre considérés comme ses inventeurs. Les auteurs épiques et tragiques grecs semblent avoir toujours été aristotéliciens. Si les Grecs ainsi compris sont à l’origine du théâtre classique, comment expliquer alors que leurs pièces ne soient plus appréciées sur la scène française ? La force originelle créatrice des anciens doit être reprise, cultivée et amendée par les modernes. Conserver les beautés universelles des anciens, mais en gommant et lissant leur barbarie et leur brutalité. Il faut une civilisation de la civilisation première, pourrait-on dire en jouant sur les mots. Après ce travail de polissage le lien doit se rétablir entre la civilisation grecque et les nations policées, au premier chef desquelles la nation française. L’histoire de l’invention » de la tragédie par les Anciens sert donc à unir entre elles des nations culturellement supérieures. 19La notion même d’invention finit par poser problème, d’autant qu’elle reste utilisée chez ceux-là mêmes qui sembleraient devoir la contester, comme le montre Anne-Gabrielle Wersinger dans L’invention de l’invention archéologie ou idéologie ? ». 20En sciences humaines, on constate l’inflation des titres mentionnant le mot ambigu d’invention. Et même si l’anthropologie prétend en avoir fini avec les inventeurs grecs » et l’archéologie du Miracle grec », Gernet et Vernant ne se sont pas entièrement défaits d’une interprétation démiurgique et progressiste de l’histoire. Et malgré l’autoréférentialité de l’anthropologie de Loraux ou Detienne, la critique des idéologies » résiste mal au paradigme prométhéen de l’innovation, qui s’impose dans l’institution de la recherche contemporaine. 21Cette dernière étude notamment, en épilogue provisoire des précédentes, montre qu’il reste à repérer explicitement d’autres inventions », qui seraient à soumettre à une généalogie philologique, épistémologique, historiographique, critique, en même temps qu’à l’étude précise de leurs usages idéologiques les plus contemporains. C’est à une réflexion générale qu’on invite ici, sur le rôle accordé, voire imposé, aux références antiques, en particulier aux notions et catégories, comme celles de civilisation et d’invention, dans les sciences humaines et sociales, et d’autre part sur la valeur de critique radicale que peut avoir l’étude même de l’Antiquité, pour nos catégories contemporaines les plus évidentes.
PaulValéry a dit Nous autres, civilisations, savons maintenant que nous sommes mortelles (1919) Pensez-vous comme lui que les civilisations sont mortelles ? Les civilisations sont construites pour durer, il est vrai que nous n'imaginons pas notre propre mort.
PENSER LE MONDE AU TEMPS DU CORONAVIRUS CHRONIQUE 1, LE 20 MARS 2020 MORTELLE CIVILISATION ! En ces temps obscurs et douloureux, de confinement quasi planétaire, où un fléau d’une ampleur encore incommensurable sur le plan humain, tant du point de vue sanitaire que social ou psychologique sans même parler de ses désastreuses conséquences économiques, répand la mort, angoisse et souffrance, aux quatre coins de nos cinq continents, et surtout en Europe aujourd’hui, il serait tentant, mais peut-être aussi trop facile, de paraphraser, en en déplaçant certes le contexte historique, la célébrissime première phrase de Marx et Engels en leur non moins fameux Manifeste du Parti Communiste un spectre hante l’Europe le spectre du coronavirus ». Je ne m’y adonnerai toutefois pas ici. L’heure, en effet, est suffisamment grave, en cette deuxième décennie du XXIe siècle, et la situation suffisamment sérieuse, pour ne rien ajouter, face à cette préoccupante pandémie du covid-19, au catastrophisme ambiant, à un alarmisme exagéré ou à une quelconque et très malvenue théorie du complot, où de nouveaux apprentis sorciers, idéologues de tous poils et autres prêcheurs de mauvais aloi, font de leur prétendu savoir, mais bien plus encore de leur foncière ignorance, le lit aussi nauséabond qu’arrogant de leurs propres et seuls calculs politiques, souvent fanatisés. Honte à ces sinistres démagogues qui exploitent ainsi sans vergogne, sur de misérables vidéos qu’ils essaiment à l’envi sur les différents réseaux sociaux, l’actuelle détresse humaine ! C’est donc à un immense poète, philosophe à ses heures intelligemment perdues – le grand Paul Valéry –, que je ferai appel ici, plus modestement, afin d’éclairer quelque peu, certes humblement mais plus sagement aussi, cette sombre et funeste plaie du temps présent. LA CRISE DE L’ESPRIT Il y a tout juste un peu plus d’un siècle, en 1918, au lendemain donc de la Première Guerre mondiale mais le président de la République Française, Emmanuel Macron en personne, ne vient-il pas de marteler que, face à cet ennemi invisible et insaisissable » qu’est ce menaçant coronavirus, nous étions précisément en guerre » ?, Valéry écrivait, en effet, un texte mémorable, d’une extraordinaire profondeur d’âme et dont l’emblématique titre, La Crise de l’Esprit », devrait plus que jamais résonner, aujourd’hui, comme un pressant quoique salutaire cri d’alarme, à méditer toutes affaires cessantes, au vu de cette urgence simplement médicale, pour l’avenir, sinon la sauvegarde, de l’humanité. Ainsi donc Valéry commençait-il déjà à l’époque, d’une formule dont la concision n’avait d’égale que sa justesse, son admirable méditation Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. » Et de justifier ensuite, avec force détails et preuves à l’appui, quoique sans pour autant jamais tomber en un nihilisme tout aussi désespérant, voire suspect, cette douloureuse mais lucide assertion Nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers, d’empires coulés à pic avec tous leurs hommes et tous leurs engins ; descendus au fond inexplorable des siècles avec leurs dieux et leur lois, leurs académies et leurs sciences pures et appliquées, avec leurs grammaires, leurs dictionnaires, leurs classiques, leurs romantiques et leurs symbolistes, leurs critiques et les critiques de leurs critiques. Nous savions bien que toute la terre apparente est faite de cendres, que la cendre signifie quelque chose. Nous apercevions à travers l’épaisseur de l’histoire, les fantômes d’immenses navires qui furent chargés de richesse et d’esprit. Nous ne pouvions pas les compter. Mais ces naufrages, après tout, n’étaient pas notre affaire. Elam, Ninive, Babylone étaient de beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avaient aussi peu de signification pour nous que leur existence même. Mais France, Angleterre, Russie… ce seraient aussi de beaux noms. … Et nous voyons maintenant que l’abîme de l’histoire est assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu’une civilisation a la même fragilité qu’une vie. Les circonstances qui enverraient les œuvres de Keats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inconcevables elles sont dans les journaux. » UNE CIVILISATION A LA MÊME FRAGILITE QU’UNE VIE Valéry, oui, a, hélas, raison à l’heure où l’humanité se voit aujourd’hui menacée très concrètement, pour reprendre les termes mêmes des principaux responsables de l’OMS Organisation Mondiale de la Santé aussi bien que de l’ONU Organisation des Nations-Unies, et face à laquelle le nouveau coronavirus n’est assurément que le symptôme à la fois le plus spectaculaire, vaste et dangereux, nous sentons qu’une civilisation a la même fragilité qu’une vie ! Car cette humanité, effectivement, est aujourd’hui comme assiégée de toutes parts réchauffement climatique ; pollution atmosphérique ; destruction de l’écosystème ; rétrécissement du biotope ; érosion des glaciers ; fonte des neiges ; élévation des océans ; inondations et tsunamis ; cyclones et tremblements de terre ; disparition d’espèces animales ; étouffement de la faune végétale et marine ; apparition de maladies inconnues et de nouvelles pathologies ; épidémies incontrôlables ; augmentation des dépressions nerveuses, des burn out et des suicides ; multiplication des guerres locales ou tribales ; propagation du terrorisme islamiste ; retour de l’obscurantisme religieux ; montée des extrémismes et autres populismes ; migrations gigantesques ; déplacements de populations ; pauvreté grandissante ; crash boursiers ; robotisation de l’humain, voire du post-humain ; emballement du capitalisme sauvage ; triomphe de l’argent ; soif de compétition mal comprise ; mépris de la culture au profit du happening ; déperdition de la langue comme de l’écrit ; négation du réel au profit du virtuel ; émergence de la pensée unique au détriment de la réflexion critique ; règne de l’effet de mode ; empire du conformisme ambiant ; valorisation du matérialisme et dévalorisation du spirituel ; course folle à l’armement ; perte de tout point de repère pour une jeunesse en mal d’idéaux ; dépréciation des valeurs morales, du sens de l’éthique et des comportements civiques, toutes choses pourtant essentielles à la bonne marche du monde ; aveuglement de masse … Et j’en passe les tares de notre pseudo modernité sont trop nombreuses pour que je puisse les énumérer toutes ici ! LA NATURE, A DEFAUT DE CŒUR, A SES RAISONS QUE LA RAISON NE CONNAÎT PAS Ainsi donc, oui, Paul Valéry, esprit fin, cultivé, profond et subtil à la fois, a raison notre civilisation, nous le constatons à présent de manière on en peut plus tangible avec cette dramatique crise du coronavirus, est, elle aussi, mortelle ! A cette énorme différence près qu’elle s’avère aujourd’hui doublement mortelle mortelle au sens passif – elle se meurt, inexorablement, et par notre propre faute – mais aussi au sens actif – elle est en train, littéralement, de nous tuer, en une soudaine accélération exponentielle, et toujours par notre propre faute, ce mixte inconsidéré d’inconscience, d’imprévision et d’égoïsme, de piètres calculs à toujours à trop courts termes, sans visions d’ensemble, aiguillonnée par le seul intérêt particulier au détriment de l’intérêt général. Oui, le monde contemporain a les idées courbes plus encore que courtes voilà pourquoi, désormais, il ne tourne plus rond qu’en apparence. Pis il se veut tellement réglé, formaté, normatif, telle une parfaite machine à fabriquer un totalitarisme qui s’ignore, un fascisme qui ne dit pas son nom, qu’il a fini, au comble d’un paradoxe aussi vertigineux que compréhensible, par se dérégler, sans plus de limites pour le contenir dans la sphère de la raison, du simple bon sens. Nous en payons aujourd’hui, précisément, le lourd et tragique tribut ! Le système, en ces temps aux rumeurs d’apocalypse, est, manifestement, à bout de souffle un minuscule mais surpuissant virus peut anéantir, ou presque, sinon une civilisation tout entière, du moins l’arrogance des hommes ! Terrible et fatidique boomerang ! La technologie, fût-elle la plus sophistiquée, n’y peut rien la nature, à défaut du cœur, a ses raisons que la raison ne connaît pas ! IL FAUT TENTER DE VIVRE ! D’où, urgente, cette conclusion en forme de prière l’être humain, s’il ne veut pas véritablement disparaître, saura-t-il enfin prendre à sa juste mesure, en y réfléchissant doctement, avec la sagesse dont il est encore capable, les impérieuses, et surtout vitales, leçons de cette tragique, sinon encore fatale, histoire ? C’est là un souhait que j’exprime ici très sincèrement, nanti de l’indéfectible soutien moral et intellectuel, là encore, du grand Paul Valéry dans les derniers vers de cette splendide méditation, quasi métaphysique, sur la mort qu’est son Cimetière Marin », l’un des plus beaux poèmes, au sein de la littérature française, du XXe siècle Le vent se lève !... Il faut tenter de vivre ! » Allez, courage, hommes et femmes de bonne volonté la guerre, malgré l’immense souffrance de ce monde aujourd’hui endeuillé, et par-delà même ce douloureux avertissement qui nous étreint quotidiennement, n’est pas perdue ! DANIEL SALVATORE SCHIFFER* *Philosophe, auteur, notamment, de La Philosophie d’Emmanuel Levinas – Métaphysique, esthétique, éthique » Presses Universitaires de France, Oscar Wilde » et Lord Byron publiés tous deux chez Gallimard – Folio Biographies, Traité de la mort sublime – L’art de mourir de Socrate à David Bowie Alma Editeur, Divin Vinci – Léonard de Vinci, l’Ange incarné » et Gratia Mundi – Raphaël, la Grâce de l’Art » publiés tous deux aux Editions Erick Bonnier.
Elleprétendait à une domination éternelle, jusqu'au grand effondrement civilisationnel qu'a représenté la Première Guerre Mondiale. Guerre mondiale qu'un autre grand amateur de ruines et de monde méditerranéen, Paul Valéry, avait dit : "Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles". Johann Chapoutot
FIGAROVOX/ANALYSE - Califat, élection d'Erdogan en Turquie, conflit israélo-palestinien, les crises se multiplient au Moyen-Orient. La prophétie de Samuel Huntington serait-elle en train de se réaliser ? Le décryptage de Frédéric Saint Clair, ancien conseiller de Dominique de Saint Clair est mathématicien et économiste de formation. Il a été chargé de Mission auprès du Premier ministre Dominique de Villepin pour la communication politique 2005-2007. Il est aujourd'hui Consultant Free Victoires fulgurantes de l'Etat islamique d'Irak et du Levant EIIL, massacre des chrétiens d'Orient, élection triomphale d'Erdogan en Turquie, escalade meurtrière entre israéliens et palestiniens, sommes-nous finalement en train d'assister au fameux choc des civilisations que prédisait le très controversé Samuel Huntington dès 1996?Frédéric SAINT-CLAIR Un choc est par principe instantané. Mais que se passe-t-il avant? Et que se passe-t-il après? Est-ce que tous les évènements internationaux sont sensés participer de ce même choc? Une lecture de l'actualité internationale au travers du modèle développé par Huntington semble par trop statique. Il y a une dynamique des conflits qui lui échappe. En revanche, Samuel Huntington a mis en lumière un certain nombre de points cruciaux pour comprendre la période postérieure à la guerre froide, notamment l'émergence du culturel - et particulièrement du fait religieux - au sein des conflits, ainsi que la perte de vitesse du modèle occidental et de la notion de démocratie libérale. La vocation universaliste des droits de l'homme, le doux commerce» qui, selon Montesquieu, était vecteur de paix, ne portent pas en eux une évidence et une force suffisantes pour être universellement acceptés. Paul Valéry, en introduction de son célèbre texte, La crise de l'esprit, écrivait Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles.» Aujourd'hui, des individus dépourvus de toute humanité instrumentalisent la religion afin de mettre un terme aux valeurs prônées par la civilisation occidentale, y compris les valeurs chrétiennes, et imposer leur barbarie. Des civilisations peuvent disparaître ainsi, dans l'horreur, la nôtre également, et l'histoire en est témoin. Nous n'en sommes pas là ; en revanche, la question de la prééminence de ces valeurs est nettement engagée. Des civilisations peuvent disparaître ainsi, dans l'horreur, la nôtre également, et l'histoire en est témoin. Nous n'en sommes pas là . Dans une tribune publiée par le Monde, Dominique de Villepin explique, Ce n'est en rien un choc immémorial entre les civilisations, entre l'Islam et la chrétienté, ce n'est pas la dixième croisade … Non il s'agit d'un événement historique majeur et complexe, lié aux indépendances nationales, à la mondialisation et au Printemps arabe». Tous ces évènements ne sont-ils pas, malgré tout, liés par la montée de l'Islam radicale?Le choc n'est en effet pas immémorial, et il ne s'agit en rien d'une opposition entre l'islam et le christianisme. Il ne s'agit pas non plus d'une croisade, ou alors à l'envers, car en Irak, ce sont des musulmans qui tyrannisent les chrétiens sous prétexte d'imposer leur religion. Si Dominique de Villepin a raison de souligner la complexité de l'évènement, vous avez raison de souligner la dimension islamiste radicale qui est à sa base. Mais l'islamisme radical en tant qu'hypertrophie politico-religieuse n'explique pas tout. Pour comprendre ces évènements nous devons aller plus loin et interroger ce qui est à son fondement, ce sur quoi les intégristes s'appuient, c'est-à -dire la composante politique de l'islam. Malek Chebel écrit L'islam restera viscéralement attaché à une vision globale de l'existence, de sorte que la vie organique n'est jamais séparée de la vie spirituelle, ni la vie individuelle de la vie collective […] Enfin, l'islam a réponse à tout, du berceau à la tombe.» La dimension politique de l'existence collective est donc incluse intégralement dans, ou même préemptée par, la dimension religieuse qui a vocation à être totalisante. Au-delà de l'islamisme, qui est une dérive extrémiste qui doit être combattue, l'islam politique questionne déjà le modèle de la démocratie libérale occidentale. Nous le constatons sur le territoire français, où les revendications religieuses face au droit républicain se multiplient. Comment, dès lors, cette dimension pourrait-elle être absente des révolutions nationales telles que les printemps arabes» où de nouvelles structures politiques sont en train de naître, bien souvent dans la douleur? Avec beaucoup de patience et de tolérance, nous devons poursuivre et enrichir le dialogue entre démocratie libérale et revendiquée par EIIL fait passer la communauté des fidèles, avant l'attachement à la nation. Existe-t-il un risque de voir ces différentes crises se rejoindre? En quoi diffèrent-elles vraiment les unes des autres?Nous sommes là au cœur de la question théologico-politique liée à l'islam. L'Oumma pourrait, ou devrait, être considérée comme une communauté spirituelle, et elle ne saurait être perçue autrement dans la tradition mystique, mais, la tentation de lier pouvoir spirituel et pouvoir temporel - politique - affaiblit la notion de communauté religieuse et la rend susceptible d'être substituée à la nation démocratique. Le concept d' ecclésia» - de communauté ou d'église - a été soumis à la même tension, mais, par un cheminement long et complexe, cette tension a été apaisée en Occident. Elle demeure en revanche intacte dans les pays arabes et dans les différents types de conflits qui ont été évoqués, avec des particularités propres, et des intensités qu'au triomphe de Hungtington, assiste-t-on à la défaite de Francis Fukuyama qui pronostiquait la fin de l'Histoire? Loin d'avoir conduit à une homogénéisation croissante de toutes les sociétés humaines» la globalisation n'a-t-elle pas, au contraire, exacerbée les identités?Le modèle de Fukuyama a cristallisé en quelque sorte toutes les illusions nées de la Révolution Française et de la supériorité» occidentale du XIXème siècle. Il y a en effet une crise de l'identité. Celle-ci n'est pas nouvelle même si elle prend de nouvelles formes, d'où la nécessité d'éviter les modèles englobants et statiques. La globalisation a accéléré la chute du modèle occidental matérialiste. Malheureusement, les valeurs humanistes présentes à la base de ce modèle, telles que les droits de l'homme, la liberté, l'égalité, la fraternité, ont subi le même sort. La haine de l'Occident, qui grandit, amalgame toutes les composantes d'un modèle occidental multiforme fragilisé par notre incapacité à le remettre en question et à le renouveler. Il semble nécessaire de revenir aux fondamentaux de notre civilisation, et de les cultiver. Gandhi écrivait L'amour est la plus grande force au monde et, en même temps, la plus humble qu'on puisse imaginer.» Pour apaiser les tensions identitaires, au moins dans notre pays, c'est cela qu'il faut mettre en pratique. Notre tradition républicaine a beaucoup insisté sur la liberté et l'égalité et a oublié bien souvent la fraternité, qui, selon Pierre Leroux, était la condition de l'unité. Par exemple, les étrangers vivant sur le sol français, qu'ils soient juifs, musulmans, athées, ou autre, doivent être inclus dans cette fraternité républicaine, car c'est par là que notre attachement à nos valeurs s'exprime le mieux. Avec beaucoup de patience et de tolérance, nous devons poursuivre et enrichir le dialogue entre démocratie libérale et islam. Si l'histoire a montré que la France avait eu raison de s'opposer à l'intervention américaine en Irak en 2003, face au nouveau désordre mondial créé par celle-ci ainsi que face aux effets collatéraux des printemps arabes, faut-il désormais intervenir, notamment pour protéger les chrétiens d'Orient?Oui, il faut intervenir, car les conditions sont radicalement différentes. En 2003, Bush partait en guerre contre Sadam Hussein persuadé de trouver des têtes nucléaires enfouies dans le sol irakien, et de participer ainsi à la lutte contre le terrorisme. Aujourd'hui, nous sommes face à une oppression réelle, à des populations entières jetées le long des routes, dans des conditions terribles. Nous devons cependant rester vigilants face à la tentation guerrière. La reconstruction de la paix est l'unique objectif.Il faudra une génération au Moyen-Orient pour entrer dans sa propre modernité apaisée, mais d'ici là il est guetté par la tentation nihiliste, par le suicide civilisationnel. Nous sommes à la veille du moment décisif où la région basculera de l'un ou de l'autre côté.» Quel rôle les pays occidentaux pour éviter le basculement du mauvais côté?Nous pouvons parler de nihilisme» car c'est bien d'une négation des valeurs morales de l'Occident dont il s'agit. En revanche, la perspective d'une entrée dans une modernité apaisée à horizon d'une génération reste difficilement envisageable. C'est une société close qui se dessine dans cette région du monde, et le modèle occidental n'a que peu d'influence sur elle. Le soft power», pour employer un terme repris par Fukuyama, est devenu quasiment inopérant. L'aide aux populations défavorisées, l'aide humanitaire que la France va superviser en Irak - et dont nous devons être satisfaits -, participe du rôle que vous évoquez et qui peut être déterminant, notamment sur le chemin parfois long qui mène à la paix.
Ouvrage Vous autres, civilisations, savez maintenant que vous êtes mortelles. De la contre-utopie; Pages: 9 à 30; Collection: Études de littérature des xx e et xxi e siècles, n° 96; Autres informations ⮟ ISBN: 6-9; ISSN: 2260-7498; DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-10756-9.p.0009; Éditeur: Classiques Garnier; Mise en ligne: 29/03/2021; Langue: Français; Chapitre
Le philosophe Jean-Luc Nancy est décédé, à 81 ans. C’est évidemment une époque qui tourne sa page, sous le soleil de Strasbourg où Derrida également aimait à baigner l’atmosphère de sa présence », a réagi le philosophe et ami Jean-Clet Martin, via Facebook. Il y avait chez Jean-Luc Nancy un sens profond des relations. »Le philosophe a publié plus d’une centaine d’ouvrages, parmi lesquels. Il a publié L’Intrus Galilée, en 2000 où il revient sur sa greffe du cœur en 1991. Le Sens du monde Galilée, 2001, La Déclosion Galilée, 2005, L’Adoration Galilée, 2010, Démocratie hic et nunc ! avec Jean-François Bouthors, François Bourin Éditions, 2018 et, en 2020, Un trop humain virus Bayard.[ARCHIVE] Article paru le 20 octobre 2020La Croix L’Hebdo Dans votre livre Un trop humain virus, qui vient de paraître 1, vous écrivez que la crise sanitaire actuelle agit comme un miroir grossissant de ce qui dysfonctionne dans nos sociétés. Que reflète ce miroir ?Jean-Luc Nancy Cette loupe virale » grossit les traits de nos contradictions et de nos limites. Le Covid-19 en tant que pandémie est bien à tous égards un produit de la mondialisation techno-capitaliste. Il en précise les traits et les tendances. Il est un libre-échangiste actif, pugnace et efficace. Il prend part au grand processus par lequel une culture se défait tandis que s’affirme ce qui est moins une culture qu’une mécanique de forces inextricablement techniques, économiques, dominatrices…En même temps, le virus nous communise ». Un ami indien m’a d’ailleurs appris que chez lui on parle de communovirus ». Comment ne pas y avoir déjà pensé ? C’est l’évidence même ! Ce virus nous met sur un pied d’égalité pour le dire vite et nous rassemble dans la nécessité de faire front ensemble. Que cela doive passer par l’isolement de chacun n’est qu’une façon paradoxale de nous donner à éprouver notre communauté. Il nous rappelle qu’on ne peut être unique qu’entre tous. C’est ce qui fait notre plus intime communauté le sens partagé de nos réagissez-vous à la place prise par le souci pour la santé ? N. Nous sommes désormais dans une société pour laquelle la santé est devenue un bien essentiel, mais aussi un droit. Tout le monde peut la revendiquer. Pourtant, la santé n’est pas la vérité de l’existence. Certes, l’adage dit Quand la santé va, tout va. » Mais cette vieille signification s’entendait au bon sens immédiat et le plus robuste il faut effectivement être suffisamment en bonne santé pour pouvoir déployer son existence. On s’est toujours souhaité une bonne santé. Vale ! » porte-toi bien » se disaient les Romains, et notre Salut ! » contient lui aussi l’idée de santé, de guérison. Aujourd’hui, contrairement au dicton et à ces expressions, la santé devient une fin en soi. Mais pourquoi être en bonne santé ? Pour quelles fins vivre ? Voilà ce qui n’est plus clair…En quoi le moment que nous vivons marque-t-il une rupture ? N. Ce qui m’intéresse dans la situation actuelle, c’est qu’elle révèle une crise depuis longtemps annoncée. Depuis un siècle environ, quantité de personnalités de la pensée et de la littérature ont pointé la fin de notre civilisation, la crise du progrès et les ambivalences de la technique. Je pense notamment aux avertissements de Freud, de Paul Valéry, de Bergson, de Heidegger, de Günther Anders, de Jacques Ellul…Ce qui nous arrive ressemble au développement d’une maladie. Au début, il y a de petits signaux qu’on ne sait pas bien interpréter. On cherche à comprendre, on tâtonne, on hésite, on se dit Ne nous inquiétons pas »… Et puis, tout d’un coup, la maladie se déclare. Elle devient évidente. C’est ce qui arrive aujourd’hui. Là , on peut décider et nommer la maladie. Le mot grec krisis contient d’ailleurs l’idée de jugement. C’est le moment où le médecin peut nommer le mal. Aujourd’hui, le virus contribue à quel mal souffrons-nous ? N. Je pense qu’il s’agit, comme disait Paul Valéry, d’une maladie de l’esprit. J’emploie volontairement ce mot, tout en sachant qu’il ouvre la porte à tous les malentendus. C’est un mot dangereux, mais je n’en vois pas d’autre pour parler de ce qui donne souffle à une civilisation, à une société. L’esprit pour moi ne désigne pas une substance éthérée, à caractère plus ou moins divin. Il désigne la possibilité de se rapporter à une réalité qui échappe. On est dans l’esprit quand on reconnaît, pas seulement intellectuellement mais aussi existentiellement et affectivement, qu’on est dépassé par quelque chose qui ne demande pas simplement à être maîtrisé. Une culture ne peut être vivante que si elle est prise dans une vie de l’ l’annonce de la mort de Dieu par Nietzsche, nous sommes entrés dans une période d’incertitude. Je pense souvent à la phrase de Jean-Christophe Bailly, qui écrit dans Adieu L’athéisme n’a pas été capable d’irriguer son propre désert. » Il le constate en athée convaincu, en se posant la question de l’invention d’un autre sacré, d’un autre divin, résolument athée. Je pense que son diagnostic est parfaitement exact. La civilisation moderne n’a rien proposé en remplacement de la figure de Dieu qui s’est effacée. J’ai la certitude qu’il va se produire une nouvelle révolution spirituelle, que le temps est arrivé pour cela. Mais cela prendra peut-être trois siècles…Qu’est-ce qui vous conduit à penser cela ? N. Toutes les grandes civilisations ont connu leur effondrement. Comme l’écrivait Valéry dans La Crise de l’esprit 1919 Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. » Je suis de plus en plus habité par l’idée qu’une civilisation, qui est un ensemble structuré de puissances politique, économique, technique et religieuse, a une certaine durée. Or, je constate que, depuis maintenant deux bons siècles, l’Europe s’inquiète d’ peut faire remonter cette inquiétude à Rousseau. C’est le malaise social qui lui fait projeter un état de nature » – qui n’a peut-être jamais existé – pour l’opposer à l’ état de la société » – qu’il considère comme dangereux – où le luxe » et la compétition » ont déjà commencé à abîmer ce que l’homme pourrait être… On peut parler d’une crise de l’esprit quand le sentiment que l’on a de vivre pour quelque chose entre en se tenir dans ce temps qui vacille ? N. Aujourd’hui, je ne peux rien proposer pour l’avenir et rien revendiquer du passé. Je suis dans le noir. Peut-être est-ce lié à mon âge, mais pas seulement… Pourtant, quand on est dans le noir, on n’est jamais tout à fait dans l’obscurité. Dans le noir, on voit aussi différemment. Pas par la sensibilité oculaire, mais par d’autres sensibilités auditive, tactile… Plus d’un a fait l’expérience d’un rêve où il est plongé dans une pièce noire et où, peu à peu, il apprend quelque chose sur ce lieu où on l’a mis. Il peut alors attraper » certains repères pour se conduire. Voilà ce qui peut être invitez notamment à reprendre la question de la liberté, qui est au cœur de la modernité. Ce n’est pas rien… N. Il y a une énorme illusion de la modernité dont nous avons en fait commencé à prendre conscience la liberté comprise comme la libération d’une humanité qui aurait surmonté toutes ses dépendances. À beaucoup de signes, nous savons désormais combien nous perdons de liberté d’agir dans les destructions et transformations profondes des conditions de vie sur la planète. L’image de l’autodétermination continue à nous fasciner, alors même que c’est en elle que se trouve le peut-elle fournir une nouvelle façon de penser notre vie en commun ? N. Oui, je le pense. Mais je trouve que jusqu’ici l’écologie a surtout désigné quelque chose de réactif il s’agissait de protéger une nature » dont on ne sait exactement ce qu’elle recouvre. Aujourd’hui, il ne s’agit plus seulement de protéger la nature, il est davantage question de se protéger de nous-même, tant nous voyons que nous sommes emportés avec la nature et le mauvais traitement que nous lui réservons. On le voit à la multiplication interminable des maladies qui, comme les cancers, ont des racines dans le mauvais traitement réservé à notre environnement. Sûrement dans la jeune génération, certains ont-ils des idées plus claires que moi sur ce qu’il convient de faire, mais il m’apparaît que beaucoup de sujets écologiques deviennent très dont il faut se garder toutefois, ce serait de considérer l’écologie comme un Dieu qui viendrait répondre au techno-capitalisme, qui serait lui le diable… On oublie que ce diable est très vieux et qu’il a fourni le moteur de toute l’histoire du monde moderne. Il a au moins sept siècles d’existence, sinon plus. La production illimitée de la valeur marchande est devenue le moteur de la société et, en un sens, sa raison d’être. Les effets ont été grandioses, un monde nouveau a surgi. Il se peut que ce monde et sa raison d’être soient en train de se décomposer, mais sans rien nous fournir pour les remplacer. On serait même tenté de dire au est un thème que vous vous efforcez de repenser. Pourquoi ? N. Pourquoi sommes-nous égaux ? Qu’est-ce qui légitime en dernière instance l’égalité ? Il faut reconnaître que nous n’en savons rien. Au cours de notre histoire, le christianisme a été très important, car il a donné à l’égalité un contenu effectif. Dire que l’on est enfant de Dieu », ça légitime l’égalité ! Mais en dehors de la religion, comment penser l’égalité ?Je crois que l’on peut essayer d’élaborer philosophiquement un essai de réponse en disant que ce qui nous fait vraiment égaux, c’est justement la mort, que le virus nous remet sous les yeux. Le virus égalise les existences. Il rappelle ainsi un droit souverain de la mort qui s’exerce sur la vie parce qu’elle fait partie de la vie. C’est peut-être en effet d’être mortels qui nous fait égaux, dès lors qu’il n’y a plus de différences surnaturelles, ni naturelles. La mort, non comme un accident, mais comme ce qui appartient à la vie. Cela passe par la reconnaissance de notre finitude. Mais aujourd’hui, c’est le mot maudit. Celui qu’on n’aime pas entendre…Finitude, ce mot n’est pourtant pas si vilain… N. Peut-être, quand on est capable de le recevoir… Mais aujourd’hui, je constate que beaucoup de gens ne comprennent pas ce qu’il veut dire. C’est vrai à l’extérieur du monde intellectuel, mais également à l’intérieur. On voit bien aujourd’hui que l’infinité du progrès est un mauvais infini. Il devient évident que la technique produit autant de mal que de bien. C’est manifeste dans les débats autour de la 5G. La finitude est ce qui peut nous relier à un bon infini. Dans la finitude, on réalise une possibilité de l’infini. Comme ce qui se passe dans l’art, dans l’amour… Le véritable infini est ce moment où on a le sentiment de sa propre existence comme réellement avez été très proche du christianisme dans votre jeunesse. Comment vous êtes vous détaché du christianisme ou comment le christianisme s’est-il détaché de vous ? N. J’ai été chrétien, oui tout à fait. Et j’aime bien votre formulation, car je peux dire que c’est le christianisme qui s’est d’abord détaché de moi, comme de toute une génération. Étudiant, j’étais engagé à la Jeunesse étudiante chrétienne JEC. L’appartenance au christianisme était pour moi absolument indissociable d’une vision politique et sociale. À la JEC, nous étions très engagés en faveur de la démocratisation de l’enseignement. En 1957, l’épiscopat français a sévèrement critiqué le progressisme de la JEC. Cela a été un coup de tonnerre pour moi et m’a détaché de l’Église. En 1965, la JEC a été formellement la condamnation des évêques, l’Église m’est apparue comme une figure de la conservation et du pouvoir. Je ne discernais pas pour quelles raisons dogmatiques on nous condamnait. Je n’y voyais que des raisons politiques. Je me suis senti comme un protestant, révolté contre l’ doute, d’un point de vue religieux, tout cet engagement était-il déjà bien détaché pour moi de l’observance religieuse. Mais je n’en étais pas encore là . Il y avait tout un aspect esthétique et émotionnel de la cérémonie religieuse qui me touchait et me reliait à l’Église. Pas l’esthétique des cérémonies de première communion, plutôt celle des cérémonies pascales et du chant grégorien…Après cette grande crise politique est venu le moment où j’ai découvert que je ne pouvais plus prier, parce qu’il n’y avait personne qui répondait. Cela finissait par devenir grotesque. Comme dans la chanson Le Téléfon, de Nino Ferrer Y a le téléfon qui son et y a jamais person qui y répond. » Sourire.Ce détachement était peut-être possible parce qu’au même moment quelque chose » était en train de me répondre, plusieurs voix à la fois celles de Hegel, de Heidegger, de Derrida… Des voix qui ne me disaient pas Je t’apporte le salut », mais qui me faisaient vivre. Au fond, ce qu’on demande, ce n’est peut-être pas l’assurance du salut. C’est de pouvoir se sentir exister sans que ce soit une absurdité ou une existence coupable sous la menace d’une vous reste-t-il du christianisme ? N. J’aurais envie de répondre tout. À travers la théologie, j’ai découvert l’interprétation de l’Écriture. Cela a été le déclenchement de ma vocation philosophique. Je découvrais qu’on pouvait indéfiniment découvrir du sens dans un texte. Qu’est-ce qu’il me reste du christianisme ? Pause. Presque l’essentiel, qui tient pour moi dans cette phrase de Maître Eckhart Prions Dieu de nous tenir libre et quitte de Dieu. » Je l’avais inscrite en épigraphe de mon mémoire de maîtrise de philosophie, réalisé sous la direction de Paul Ricœur. Je n’avais certainement pas trouvé cette phrase tout seul. Elle a dû m’être transmise par un jésuite ou un des aumôniers de la JEC. À travers eux, je n’avais jamais perçu l’Église comme un vous avez plongé dans la philosophie, sans retour ? N. À partir de la découverte de l’interprétation des textes et de cette phrase d’Eckhart, je suis allé tout droit dans la philosophie. J’ai trouvé dans la philosophie de Hegel comme la vérité du christianisme. En dépit des critiques faites à Hegel, il m’est toujours resté quelque chose de sa philosophie. Hegel est quelqu’un qui reste dans un vrai mouvement de l’esprit, l’esprit comme ce qui excède. Ce n’est pas du tout une pensée qui boucle tout, qui dirait tout est accompli », comme on le lui a aussi dans ces années que j’ai découvert la lecture de Derrida, qui a été une autre révélation. Là , il s’agissait d’une pensée absolument contemporaine, proche, vivante, qui résonnait forcément autrement que n’importe quelle philosophie du pour vous une possibilité, dans la période que nous traversons, de se ressourcer dans le christianisme ? N. Peut-être, mais pas au sens de se baigner dans ses eaux. Plutôt au sens de remonter en arrière de cette source. Avant la source, cela veut dire là où il n’y avait pas encore de source, là où il y a la possibilité d’une source. Je cherche ce qu’il y a au tréfonds de l’Occident, ce quelque chose » dont le christianisme aura été le développement civilisationnel le plus large – avec le judaïsme qui l’a engendré, et l’islam pour une autre partie de notre monde méditerranéen – mais qui demande maintenant à être remis en les écrits des mystiques chrétiens, que l’on rencontre fréquemment dans vos livres, n’aident-ils à rester du côté du bon infini » ? N. Sans doute, mais je ne peux que constater l’épuisement de cette veine. J’ai passé ma vie à me référer à la phrase d’Eckhart comme à la meilleure phrase qu’on puisse prononcer sur le christianisme et sur la religion en général, mais aujourd’hui les grands discours de la mystique sont soigneusement recouverts par toute une pacotille bondieusarde. Une très grande partie de l’humanité a besoin de religion, mais elle se laisse satisfaire de la manière la plus grossière qui soit. C’est presque insupportable d’écouter ou de lire les sermons des évangélistes. On a envie de dire Mon Dieu, mais les Évangiles, c’est mille fois mieux ! »Pourquoi y a-t-il forcément un hiatus entre les pensées des mystiques et les attentes de quantité de gens ? Cela reste pour moi une énigme. Peut-être est-ce lié à un besoin de sécurité. Cela m’interroge aussi. Avec tout ce que j’ai reçu, ce que j’ai pensé et écrit, moi aussi je me suis donné un formidable système d’assurance. Sourire. C’est peut-être bien gentil de dire je me passe de religion », dans la mesure où le discours que j’ai développé a suffisamment de consistance et de force affective pour me donner un véritable sentiment d’ peut être la tâche des chrétiens dans la période que nous traversons ? N. Si les chrétiens pouvaient creuser l’idée ou plutôt le motif de l’amour, central dans le christianisme, alors je crois que cela permettrait d’avancer. On a trop considéré l’amour chrétien comme une affaire entendue en tant que commandement impossible. C’est ce qu’affirme Freud dans Malaise dans la civilisation. Il y écrit que la seule réponse à la violence moderne est l’amour chrétien, mais il ajoute aussitôt ce n’est pas praticable, cela ne marche pas. Pourtant, Freud termine ce texte en disant que la psychanalyse ne peut rien à la civilisation, que l’on peut craindre que le monde aille de mal en pis, mais que l’on peut espérer que l’Eros triomphera. Je me suis toujours dit que Freud était gonflé ! Rires. D’un côté, il écarte l’amour chrétien. De l’autre, il en appelle à l’Eros, en faisant mine d’ignorer son ambivalence…Pourquoi reprendre cette question aujourd’hui ? N. Parce que cela résonne avec ce qui nous préoccupe depuis deux siècles la question du commun. Nous ne cessons de nous demander comment être en commun, comment vivre ensemble. Sans doute la société s’éprouve-t-elle comme en train de se communisme s’est inscrit dans cette inquiétude. Aujourd’hui, la référence au communisme a quasiment disparu, mais la réflexion sur les communs, les biens communs, le partage, reste centrale. Il est d’ailleurs amusant de voir comment ces mots ont été pris en charge tantôt plutôt par le communisme, tantôt plutôt par le christianisme, mais ils ont partout circulé avec un indice positif, en même temps que l’on constatait qu’ils étaient méprisés, négligés, incompris et à quel point le capitalisme n’offrait pas la possibilité d’un bien commun pour tous. Nous cherchons à faire du commun, mais comment le faire sans un minimum d’affects, d’amour ?Votre diagnostic sur la situation actuelle est grave, mais votre philosophie est traversée par la présence de la joie. Où se fonde pour vous cette joie ? N. La joie n’est pas le contentement. On pourrait dire que c’est l’affect de l’esprit, c’est-à -dire de se savoir emporté au-delà de toute finalité et de toute maîtrise. Mais ce savoir » n’est pas intellectuel. Il est joie, je ne peux vraiment pas dire ce qui la fonde… C’est une disposition, un état ou une pulsion sans aucune raison autre qu’elle-même. En tout cas, elle vient toujours d’ailleurs. Des autres, pas de moi des grandes pensées des philosophes, des paroles des poètes, de la chaleur des personnes, de la beauté des œuvres ou des corps. Bien sûr, ce n’est pas toujours là , mais lorsque ça arrive, ça touche, ça dates1940. Naissance à Caudéran Gironde.1968. Professeur de philosophie à l’université de Rencontre avec Jacques Il fonde, avec ce dernier, Sarah Kofman et Philippe Lacoue-Labarthe, la collection La philosophie en effet » aux Éditions Il subit une greffe du cœur, expérience sur laquelle il reviendra dans L’Intrus Galilée,en Professeur coups de cœurL’ensemble Graindelavoix et DalidaQuand j’étais jeune, j’ai fait partie d’un groupe de chant. J’ai énormément aimé chanter. Cette sensation du chant qui vous sort de la bouche a quelque chose de magique c’est comme si le corps tout entier partait là -dedans… Je viens de découvrir l’album Tenebrae de Gesualdo par l’ensemble Graindelavoix. J’aime le caractère sévère, mais sans sécheresse, de leur chant a cappella. Dans un tout autre style, j’aime aussi Dalida. Il y a une certaine vulgarité dans son personnage, tout y est outré, mais elle donnait de la grâce à une présence qui aurait pu être lourde et impérialiste ».Conrad AikenJe travaille en ce moment sur l’un de ses poèmes. C’est vraiment quelqu’un de tout à fait exceptionnel. J’aime sa simplicité et sa puissance. Dans tous ses écrits, il est très vif, très pénétrant et, en même temps, c’est mystérieux, RothkoJ’aime ses grands formats. Ses couleurs sont pleines de relief. Je suis touché par la façon dont il est passé de la peinture figurative de sa jeunesse à l’abstraction, tout en continuant à raconter quelque chose…
Introduction: « Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles ». Cette phrase célèbre, rédigée par Paul Valéry en 1919 figure dans un essai, publié à la NFR, étant intitulé La crise de L’Esprit, qui par ailleurs sert de début de phrase à son texte philosophique Variété I. La date indiquée nous indique déjà le contexte histoire, nous sommes à un an de la
Tribune libre de Pierre-François Ghisoni* Civilisations, nous sommes mortelles ! Reste à le » savoir comme le précisait Paul Valéry dans Variétés Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. » Et j’ose ajouter reste à savoir si nous ne sommes pas dans la dernière phase. Il n’est pas d’œuvre humaine qui ne soit condamnée à périr. Cela va du moindre écrit comme celui-ci à la civilisation dans laquelle il s’insère. Et les exemples ne manquent pas dans le monde. Celui qui aurait prédit au soir du 15 novembre 1532 que l’empire inca disparaîtrait sous les coups de douze Espagnols aurait risqué sa vie. Le 16 au soir… un Inca le titre équivalent à empereur et le lendemain… un prisonnier qui paiera la plus grosse rançon de l’histoire et sera néanmoins exécuté. On pourrait multiplier les exemples. Byzance, son empire et sa civilisation tombèrent en 1453 au milieu de querelles byzantines ». Vraie ou arrangée, nous est restée celle portant sur le sexe des anges ». Alors, la France de 2013 ? Comment ne pas être frappé des similitudes internes avec les dernières élucubrations de cette minorité de minorité et de ce gouvernement, dont on ne sait plus qui supporte l’autre, qui est la corde, qui est le pendu ? Comment ne pas être frappé des similitudes externes au moment où aujourd’hui, le même gouvernement relance la question du droit de vote des étrangers, alors qu’il subit et abandonne les zones de non-droit à une nouvelle féodalité barbare ? Oui, les civilisations meurent. Elles meurent par la concomitance de fêlures internes et externes qui en atteignent les œuvres vives, maquillées par un hideux replâtrage. Elles meurent à cause des mannequins tonitruants aux pieds d’argile. Elles laissent des traces, et d’autres les remplacent. Elles meurent, soit parce qu’elles ont fait leur temps, soit parce qu’on n’a pas voulu traiter quand cela était encore possible. Une civilisation à visage humain Elisabeth Kübler-Ross, dont les travaux font autorité, dégage cinq stades successifs lorsqu’un diagnostic fatal est annoncé aux humains que nous sommes le déni, la colère, le marchandage, la dépression, l’acceptation. Reste à savoir comment une société se comporte en la matière. Reste à réfléchir, peut-être à agir. Agir, c’est avoir accepté d’entendre, c’est faire le bilan des possibles sans se masquer les impossibles, c’est, prendre l’une des voies ouvertes après le stade d’acceptation laisser-aller, s’y diriger bravement, léguer pour que le témoignage perdure. Ici encore, les exemples historiques ne manquent pas, mais mieux vaut y réfléchir que d’alourdir ce texte. Mieux vaut faire le bilan… sans négliger l’espoir, mais sans s’y accrocher aveuglément. Une conclusion provisoire C’est en ce sens qu’il faut comprendre les départs, les envies de départ, ou au contraire les envies de résistance, d’enracinement, les affirmations, parfois pétries de courage, parfois pures rodomontades. C’est en ce sens qu’il faut revoir les raisons que lancent haut et fort un Depardieu, les alibis financiers d’un Arnault et de tant d’autres intouchables. C’est en ce sens que nous continuerons. *Pierre-François Ghisoni blog est écrivain et éditeur.
Commenous vivons nous-mêmes dans un monde en proie à toutes les menaces et que, comme le disait si bien Valéry, "nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles
Le deal à ne pas rater Cartes Pokémon sortie d’un nouveau coffret Ultra Premium ... Voir le deal philo Z'amis Forum des citoyens Philosophie 3 participantsAuteurMessageMorgan Kane******Sujet Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Sam 11 Nov - 1138 De Paul Valery, après la première guerre mondiale Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers, d’empires coulés à pic avec tous leurs hommes et tous leurs engins ; descendus au fond inexplorable des siècles avec leurs dieux et leurs lois, leurs académies et leurs sciences pures et appliquées, avec leurs grammaires, leurs dictionnaires, leurs classiques, leurs romantiques et leurs symbolistes, leurs critiques et les critiques de leurs critiques. Nous savions bien que toute la terre apparente est faite de cendres, que la cendre signifie quelque chose. Nous apercevions à travers l’épaisseur de l’histoire, les fantômes d’immenses navires qui furent chargés de richesse et d’esprit. Nous ne pouvions pas les compter. Mais ces naufrages, après tout, n’étaient pas notre Ninive, Babylone étaient de beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avait aussi peu de signification pour nous que leur existence même. Mais France, Angleterre, Russie... ce seraient aussi de beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom. Et nous voyons maintenant que l’abîme de l’histoire est assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu’une civilisation a la même fragilité qu’une vie. Les circonstances qui enverraient les œuvres de Keats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inconcevables elles sont dans les n’est pas tout. La brûlante leçon est plus complète encore. Il n’a pas suffi à notre génération d’apprendre par sa propre expérience comment les plus belles choses et les plus antiques, et les plus formidables et les mieux ordonnées sont périssables par accident ; elle a vu, dans l’ordre de la pensée, du sens commun, et du sentiment, se produire des phénomènes extraordinaires, des réalisations brusques de paradoxes, des déceptions brutales de l’évidence. Je n’en citerai qu’un exemple les grandes vertus des peuples allemands ont engendré plus de maux que l’oisiveté jamais n’a créé de vices. Nous avons vu, de nos yeux vu, le travail consciencieux, l’instruction la plus solide, la discipline et l’application les plus sérieuses, adaptés à d’épouvantables desseins. Tant d’horreurs n’auraient pas été possibles sans tant de vertus. Il a fallu, sans doute, beaucoup de science pour tuer tant d’hommes, dissiper tant de biens, anéantir tant de villes en si peu de temps ; mais il a fallu non moins de qualités morales. Savoir et Devoir, vous êtes donc suspects ?_________________Tout smouales étaient les borogoves NellyAdminSujet Re Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Sam 18 Nov - 1511 Morgan Kane a écrit Je n’en citerai qu’un exemple les grandes vertus des peuples allemands ont engendré plus de maux que l’oisiveté jamais n’a créé de vices. Nous avons vu, de nos yeux vu, le travail consciencieux, l’instruction la plus solide, la discipline et l’application les plus sérieuses, adaptés à d’épouvantables desseins. Dur, ton texte !Les vertus du peuple allemand... Faut-il les appeler ainsi ? Tout le peuple est-il responsable ? Certes, un taré bien entouré a été démocratiquement élu, mais ne faisons-nous pas les même erreurs, nous autres Français, bien moins vertueux ?Combien d'électeurs auraient peu imaginer l'horreur qui s'en est suivie ? Morgan Kane a écrit Tant d’horreurs n’auraient pas été possibles sans tant de vertus. Il a fallu, sans doute, beaucoup de science pour tuer tant d’hommes, dissiper tant de biens, anéantir tant de villes en si peu de temps ; mais il a fallu non moins de qualités morales. Savoir et Devoir, vous êtes donc suspects ? Tu sais bien que le peuple suit celui qui parle bien ! Tellement de gens se font avoir eux-mêmes en toute honnêteté vertu en espérant vivre mieux et en croyant que ce qu'on leur dit est bon. Certes, nous sommes tous des égoïstes, quelque part, ce qui n'est pas une vertu, mais la à toi Invité et reviens nous voir souvent. Pestoune***Sujet Re Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Mer 17 Juin - 530 Nous l'avons toujours su mais il faut régulièrement des piqûres de rappel. Ce qu'il se passe en ce moment, c'en est une aussi. On assiste à l'effondrement mondial de l'économie, du monde du travail. Un petit virus de rien a mis à terre le monde de l'entreprise. Des tas d'entreprises ne se relèveront pas entrainant à leur suite des ouvriers qui se retrouveront sans emploi. Aujourd'hui on nous demande de travailler plus pour compenser les pertes financières. Certes mais comment faire quand il n'y a plus de travail. Un monde se meurt. Qu'en renaîtra-t'il ? Morgan Kane******Sujet Re Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Mer 17 Juin - 610 Pestoune a écrit Nous l'avons toujours su mais il faut régulièrement des piqûres de rappel. Ce qu'il se passe en ce moment, c'en est une aussi. On assiste à l'effondrement mondial de l'économie, du monde du travail. Un petit virus de rien a mis à terre le monde de l'entreprise. Des tas d'entreprises ne se relèveront pas entrainant à leur suite des ouvriers qui se retrouveront sans emploi. Aujourd'hui on nous demande de travailler plus pour compenser les pertes financières. Certes mais comment faire quand il n'y a plus de travail. Un monde se meurt. Qu'en renaîtra-t'il ? Compte tenu du règne de la finance et du marché, une tentative désespérée de reconstruire le monde d'avant ..... jusqu'à la catastrophe finale .... Ce forum ne faisant pas de politique politicienne, je n'en dis pas plus. _________________Tout smouales étaient les borogoves Pestoune***Sujet Re Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Mer 17 Juin - 820 Morgane Kane a écrit Ce forum ne faisant pas de politique politicienne, je n'en dis pas plus je l'avais bien compris en vous lisant et tant mieux c'est pourquoi je n'ai pas approfondi ma pensée. Néanmoins ce n'est pas politique de dire qu'on assiste à un effondrement du monde tel que nous l'avons connu. Mais que hélas les dirigeants mondiaux continuent de s'accrocher à ce modèle. Il est temps de penser autre chose. Ce serait un travail commun à faire entre tous les pays. Un travail collégial qui donnerait une autre direction à l'humanité. Mais il faut que l'effondrement soit total pour que l'homme accepte la défaite. Il faut que le monde souffre pour renaître. C'est le triste constat de notre Histoire humaine. NellyAdminSujet Re Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Mer 17 Juin - 1259 Pestoune a écrit Morgane Kane a écrit Ce forum ne faisant pas de politique politicienne, je n'en dis pas plus je l'avais bien compris en vous lisant et tant mieux c'est pourquoi je n'ai pas approfondi ma pensée. Néanmoins ce n'est pas politique de dire qu'on assiste à un effondrement du monde tel que nous l'avons connu. Mais que hélas les dirigeants mondiaux continuent de s'accrocher à ce modèle. Il est temps de penser autre chose. Ce serait un travail commun à faire entre tous les pays. Un travail collégial qui donnerait une autre direction à l'humanité. N'est-ce pas utopique ? Nous ne sommes même pas en mesure de nous entendre dans le même pays, d'être solidaires en Europe pour faire front. Pestoune a écrit Mais il faut que l'effondrement soit total pour que l'homme accepte la défaite. Il faut que le monde souffre pour renaître. C'est le triste constat de notre Histoire humaine. _________________Bienvenue à toi Invité et reviens nous voir souvent. Pestoune***Sujet Re Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Mer 17 Juin - 1408 Nelly a écrit N'est-ce pas utopique ? Nous ne sommes même pas en mesure de nous entendre dans le même pays, d'être solidaires en Europe pour faire front. D'où mon emploi du conditionnel Contenu sponsoriséSujet Re Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Page 1 sur 1 Sujets similaires» SOMMES NOUS ENCORE CAPABLES DE NOUS SENTIR RESPONSABLES» Sommes nous responsables de ce que nous sommes ? » ÊTRE ZEN LE SAVONS NOUS?» Du coq à l'âne, comportements et instincts, où en sommes nous?» Philosophie et MediasPermission de ce forumVous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forumphilo Z'amis Forum des citoyens PhilosophieSauter vers
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nous autres civilisations nous savons maintenant que nous sommes mortelles